lundi 3 octobre 2011

TRAGEDIE DU JOOLA : un deuil sans dépouille est sans fin !

Qui a voulu faire oublier à la conscience collective sénégalaise le naufrage du bateau le Joola ?
Il y a des faits qui défient la raison. Le naufrage du bateau le Joola a plus que défier ma logique. Mon père avec qui j’ai voyagé plusieurs fois dans ce navire me disait toujours qu’il était un navire de guerre et que je ne devais pas avoir peur en haute mer. J’avais à l’époque 10 ans. Il me montrait des vaisseaux accrochés et le corps militaire qui veillait sur la sécurité des passagers. Il nous disait qu’un bateau ne pouvait sombrait en si peu de temps et que même si cela se produisait, les secours auraient toujours le temps de venir nous sauver.  Inconsciemment, j’ai grandi avec cette idée de mon père car ça faisant un moment que je n’avais plus emprunté le Joola.
Cette idée d’enfance a fait face à la réalité du 27 septembre quand j’ai appris avec des frissons que le bateau avait sombré. J’ai refusé catégoriquement la possibilité d’un naufrage aussi rapide. Mon sang ne faisait que des tours. La raison avait pris congés de moi. Toute ma pensée s’était lancée dans le vide, traversée par le crible de l’imagination et la répétition d’idées sans nom. Il y a des faits qui dépassent notre entendement, le Joola en était un pour moi !
Je suis resté des jours dans  l’étonnement. J’achetais plusieurs quotidiens. Je braquais mes oreilles au poste radio. Les repas, je l’ai prenais en regardant le ciel et je restais longtemps devant un plat. Parfois sur le coup de l’émotion, je baissais la tête, perdu dans la mélancolie et la stupéfaction !
Le joola a été une catastrophe, une terrible tragédie !
Je me rappelle les parents directs de passagers, qui perdus dans la déraison de la disparition de leur fils, leur mari, leur  tante, leur père, leur frère, leur parent se sont rendus devant les grilles du palais. Ce jour, je me suis rendu compte de l’importance de porter la confiance d’un peuple, d’une nation.
Le président Abdoulaye WADE avait  été sublime. Mon respect pour lui, je le garde malgré ce que tout le monde sais déjà sur ce que je pense de lui. Le président, lui aussi, ému par l’événement, il s’est levé de son bureau pour aller pleurer avec son peuple. Il a demandé que le palais soit ouvert, sans garde rapproché, à ce que j’ai vu au début, il est entré au milieu des pleurs, visiblement rempli d’émotion. Ce jour là, le palais a accueilli les larmes du peuple. Personne ne pouvait retenir les femmes. Que Dieu vous console ! Cette image reste gravée dans ma mémoire. Monsieur le Président, ce jour, vous avez été majestueux !
Quelques jours après, je suis allé au deuil d’une tante à grand yoff. La cour calme, les parents, son mari et sa fille, une jeune fille. Il n’y a pas eu d’enterrement, je ne me suis pas rendu au cimetière (celà semble évident mais ce n’est pas le cas). Son image me revenait à l’esprit. Une dame taciturne qui s’exprimait posément. Ma tante, ma propre tante et d’autre évoqueront des naufragés avec des liens plus étroits. J’écris avec des larmes et des mains tremblantes ce souvenir douloureux !
Le président WADE a fait un virage à 380 degrés sur la question du Joola. N’avait-il pas dit juste après : « L’Etat est responsable ». Nous avions espoir de voir la justice dire le droit mais grande a été notre surprise. Dossier classé sans suite, non lieu total. Près de 2000 morts dans un navire géré par l’Etat et aucun responsable. Donc, ce bateau était-il géré par des extraterrestres ? Quelle supplice ! Quelle honte !
En attendant la justice de Dieu, chaque jour les coupables font face au tribunal de leur conscience et des regards des victimes. Oui, chers familles de victimes, Dieu est grand ! Yalla bakhna !
Je me rappelle les mensonges des ministres, de 800 naufragés, nous sommes passés à près de 2000. Je me croyais observer l’opération israélienne la plus meurtrière sur la Palestine. Le compteur de cadavres s’affolait.
La vie humaine n’a pas de prix. Nous avons assisté à une distribution difficile et honteuse d’indemnités aux familles des victimes. Certaines familles, n’ayant pas voulu donner l’impression d’avoir acheté le crime de sang de leurs parents ont préféré ne pas en bénéficier. Il ait le lieu de condamner avec la dernière énergie l’attitude de certains parents de victimes qui ont pris ces sommes pour en faire une belle vie. Des témoignages sur ces comportements sont accablants. Des citoyens sont témoins !
Le bateau doit être renfloué by any means necessary sinon la place du souvenir sur la corniche de Dakar devra disparaitre de la carte du Sénégal. Le peuple Sénégalais n’a pas un plus grand souvenir que le bateau le Joola. Même si, je ne crois pas à l’errance des âmes sans sépultures, le renflouement du bateau est un impératif car il soulage les familles de victimes et marque à jamais l’imaginaire des Sénégalais.
Certains compatriotes ont voulu saboter la mémoire du joola en installer le Sénat un jour d’anniversaire du naufrage. Je rappelle que le pouvoir politique est temporel et que si les gouvernants actuels veulent effacer cette page de l’histoire de notre mémoire collective, d’autres viendront pour la rétablir !
Il fallait que j’écrive pour partager cette douleur qui me ronge le cœur depuis des années, pour aussi présenter mes condoléances aux familles des victimes !

Nino MENDY
http://ninomendy.blogspot.com/